an abstract photo of a curved building with a blue sky in the background

Cap Sud
2025

20 jours seule du nord de l'Europe avec Cap vers le Sud

Inspiration

Cette année je voulais quelque chose de plus sauvage encore. M'immerger dans l'immensité. Être seule dans la nature à l'état brut, en autonomie. Ma plus longue expédition avec 3 semaines sous tente. Une expérience forte. L'engagement plus grand aussi. Parfait pour m'entraîner pour le Pôle Sud en 2026 ! Un itinéraire symbolique, départ du nord de l'Europe, avec Cap sur le Sud.

Récit jour par jour de ce raid à skis en solitaire et autonomie de 20 jours avec la pulka et la tente. Du 23 février au 14 mars 2025.

Itinéraire

L'expédition

"Les Terres de l'Infini" : des mots de Frison-Roche qui décrivent l'atmosphère singulière de ces étendues. Une lecture parfaite dans la tente.

20 jours seule. A skier et camper en autonomie. Vertigineux avant le départ. Une expédition d'envergure et primordiale pour la suite. Je suis exactement là où je le souhaitais il y a 8 mois, quand j'ai raccroché la blouse. Et c'est immense. Une émotion intense. La solitude n’a pas été anodine mentalement. Une expérience riche. Je ris toujours à mes mauvaises blagues ! Des moments d’introspection possibles par l’isolement. Des heures, qui deviennent des jours, de réflexion avec et sur moi-même. Pourquoi suis-je là ? Mes valeurs et ma vision ?

Motivation. Le plaisir est la mienne. Skier, contempler la nature : un coucher de soleil, des empreintes d’animaux, ouvrir la tente et découvrir une symphonie de couleurs. Des rencontres riches. Prendre le temps aussi. Lire. Ecrire pendant des heures. Simplement écouter la neige tomber feutrement sur la tente. S’arrêter de skier pour savourer le calme et s’imprégner de l’ambiance. Tout ceci m’anime. La lumière à ne pas perdre de vue dans les moments difficiles.

Enseignements. Le plus important : la difficulté d’une longue durée dans des températures froides. Bonnes techniques et routine primordiales pour la sécurité car petites erreurs interdites. Choix du matériel clé. Grand bonheur d’atteindre sérénité après autant de nuits en-dessous de -15 °C.

Un plaisir intense dans ces immensités blanches. D’être là, que ce soit sur les skis ou dans la vie sous la tente. C’est moi. Ces expéditions me rendent heureuse. J’y suis à ma place.

Jours 1 et 2

Alta - Camp 1

C’est le grand jour ! Six mois de préparation pour cet instant. Pleine d’envie et de détermination. Vertigineux. Quelle émotion, c’est fort. Départ du centre à pied dans les rues enneigées, folklorique. Enfin, je chausse les skis. C’est PARTI !! Les pistes de ski de fond serpentent à travers la forêt, cap à l’est et la sortie de la ville.

Au moment de monter le camp, mauvaise surprise : une corde de la pulka casse ! Paradoxalement, j’accueille la nouvelle sereinement. Depuis quelques jours je suis dominée par les doutes sur la pression d’une telle expédition. Ma grande peur est d’abandonner dans les premiers jours. Finalement, si c’était ça le test ?

Camps 1 - 2

Mûri mon plan de réparation. Je teste, fière de mon idée. Merci les nœuds d’alpi ! On verra combien de temps ça tient. Pleine de volonté pour cette 2e journée mais encore très fatiguée de l’agitation avant le départ.

La gentillesse des locaux m’épate, une dame sort de sa maison en me voyant passer ! Aide précieuse pour trouver le meilleur itinéraire. Le mélange suédois/norvégien marche bien ! Sur les skis, mes pensées divaguent et je me mets mentalement dans ce voyage. Quelle surprise le soir : les aurores dansent dans le ciel, sublime !

Jours 3 et 4

Camps 2 - 3

Bonheur de la vie sous la tente. Je me prépare tellement motivée. Une grosse montée m’attend, mais je vais arriver dans la partie la plus sauvage. Après un bon porridge café, je pars à l’assaut du dénivelé. Un guide de skidoo très sympa s’arrête pour discuter et propose même de me monter ! Nonon, l’idée est de voyager lentement.

Les bouleaux disparaissent peu à peu pour laisser place à ces étendues de blanc que j’aime tant ! Il y a du vent donc ne pas s’attarder. Le voyage continue en ondulations dans le blanc. Joie d’être là. Camp sous le soleil couchant, si beau et intense. La réparation a tenu toute cette montée, cela donne confiance pour la suite et atténue les doutes.

Camp 3 - Joatka - camp 4

Quelle nuit : pluie, puis tout a gelé ! Laborieux de replier le camp. Froid glacial et vent puissant sur le plateau. Vite, avancer pour se réchauffer et descendre sur le lac !

Rencontre avec un local en skidoo, conversation hors du temps où il explique dormir dans sa caravane et me présente son chat ! J’adore. Pour ce genre de moments que j’aime partir seule. Cela déclenche ces rencontres. Pas d’entrée dans le refuge à Joatka, envie de rester immergée dans la nature. Cap vers Iesjavri ! Hâte de voir ce lac immense. Pensée pour le repas du soir : quel Lyoph ? Doublé aux pâtes ? En tout cas apéro du Val d’Arly !

Jours 5 et 6

Camp 4 – Iesjavri – camp 5

Plaisir de la vie dans la tente. Lecture avec un café, régal ! En route. Les paysages ondulent et les lacs deviennent de plus en plus grands. Rencontre avec une famille norvégienne, ils initient leur fils de 10 ans à l’itinérance, j’adore. Puis, tout devient plat, immense, blanc. Seulement des reliefs lointains, grandiose. Je savoure l’instant. Traversée du lac, un moment suspendu. Glisse excellente, impression de me téléporter, quelle sensation. Les km défilent. Première pause déjeuner avec le canapé, la vie est belle. Puis la trace emprunte le lit d’une rivière au milieu des bouleaux sous le soleil couchant. Je savoure ce moment magnifique. La journée a atténué les questions. Se faire confiance, mais écouter ses doutes.

Camp 5 - camp 6

Tout est givré au réveil, nuit glaciale ! Première journée à tracer en dehors des itinéraires. Dans quelles conditions ? Le soir je m’enfonce aux genoux pour monter le camp. La neige n’a aucune cohésion dans les forêts. Avec la pulka de presque 50 kg, j’ai peur. Incertitude totale. Mais avant, il y a presque 10 km sur la rivière gelée, c’est beau malgré les pensées qui défilent. Vient le tournant. En avant. La pente augmente, l’enfer commence. Par moments je m’enfonce jusqu’aux genoux malgré les skis. Et il faut garder le rythme. Surtout, que la pulka ne s’arrête pas ! Plus en altitude, la neige a plus de cohésion, ça passe. Soulagement ! Forêt magnifique avec tous les arbres enneigés. Je la surnomme la forêt magique. La confiance revient. Les paysages s’ouvrent, sous le soleil c’est sublime avec les couleurs uniques du nord. C’est pourquoi je suis là. Jeux d’ombres et de lumières avec la pulka, moral revenu ! Surprise, des aurores pour le dîner !

Jours 7, 8 et 9

Camp 6 - Mazé

Dure nuit, un froid si humide. Objectif Mazé ! Envie d’arriver à ce point clé pour finir cette première semaine. Le beau temps laisse rapidement place au blizzard. Pas de panique, je m’équipe et continue à mettre un ski devant l’autre. L’expérience paye, très contente de mon calme et précision dans les gestes. L’amorce de la descente sur Mazé signe l’apaisement. Slalom en pulka cross à travers les bouleaux. Fous rires mélangés à la terreur d’une énorme chute. Sur la route dans le village en pulka, très pittoresque. Une bonne immersion culturelle. Presque nuit, vite trouver un camp. Pas le plus sauvage, mais ça fait partie de l’aventure. Réflexion sur la suite de l’itinéraire : priorité plaisir et sécurité. Avoir des options est sécurisant.

Mazé – Bingis

Nuit agitée par toutes ces questions. Aller, en avant pour la montée ! Heureusement que c’est tracé ! Tellement de neige, des trous immenses en dehors des traces. La décision pour la suite muri. Sublime sur le plateau ! Des bouleaux enneigés, du soleil, et un panorama…! Je me régale. Les bouleaux disparaissent peu à peu pour laisser place aux montagnes, sublime ! Moral au top, grand plaisir d’être là et contente des décisions. Quelle vue ! Je passe mon temps à m’arrêter pour des photos et vidéos, envie de partager. Si beau que je fais une longue pause déjeuner sur le canapé malgré le froid. Après Bingis je continue vers le Bosquet de Marion. Des flocons plein les yeux après cette magnifique journée ! Un bon Tumat et du brownie, beau la vie en tente.

Bingis - camp 9

Matinée de repos avec la neige qui tombe doucement sur la tente. Lecture des Terres de l’Infini, si approprié pour ces espaces immenses, qui invitent à la rêverie et la méditation. Puis direction le refuge de Bingis. Rencontre avec une famille de locaux. Quel décalage : ils sont en motoneige avec toute leur maison. Quelle gentillesse et un échange riche sur la culture locale, ces moments sont précieux. Père et fils vont relever leurs lignes de pêche sous glace. Leur dîner s’annonce succulent avec une immense truite. On se quitte et je trace dans la neige fraiche. Laborieux mais agréable. Pendant la traversée du lac, il se remet à neiger et souffler. Hâte de monter le camp, ça n’en finit pas. Rive sud, hop à l’abri ! Réflexion sur ce que je suis venue chercher. Au lit, demain s’annonce beau et Cap plein Sud !

Jours 10 et 11

Camps 9 - 10

Hâte d’avancer. Itinéraire évident jusqu’à Kautokeino, rassurant. Après, l’incertitude demeure sur comment rejoindre la Finlande. Les petits mots m’ont redonné le sourire et rappelé combien mes proches me soutiennent dans cette aventure. Merci ! Le début est rude, 20 cm de poudreuse à tracer. Laborieux. Et là, miracle, la famille d’hier me dépasse. Merci pour la trace ! Le monde change en un instant. Le ski devient facile et agréable. L’ancienne route est vraiment belle, une trouée dans les bouleaux enneigés. Puis, les paysages s’ouvrent sur un village d’été pour rassembler les rennes. Des enclos immenses et des caravanes endormies. Toujours si irréel d’arriver dans ces lieux de vie après des jours sur les skis dans la nature. Lumières grandioses. Un écho annonce le retour de la famille. Ils rentrent du restaurant. Irréel cet aller-retour dans la journée qui me prendra plusieurs jours. Mais c’est cette lenteur que je viens chercher. Les paysages qui défilent doucement et que je prends le temps de voir évoluer. Coucher de soleil sublime sur le plateau. Si le crépuscule est magnifique pour le dîner, la nuit ne tarde pas à le surpasser. Le ciel danse d’aurores boréales. A contempler depuis le duvet. La vie est vraiment belle. Une journée précieuse, c’est pour ça que je suis là.

Camps 10 - 11

A partir d’aujourd’hui, c’est ma plus longue itinérance ! Vertigineux et symbolique. Très contente des sensations, qui me donnent confiance ! Nuit froide mais bien gérée, l’habitude vient. La forêt est toute blanche au réveil, féerique. Le soleil perce peu à peu le brouillard le temps de lire et écrire le journal. Les premières heures de ski se déroulent toujours sur le fil de l’ancienne route. Voyage au milieu des bouleaux blancs de neige. Ca pullule de traces, je les observe avec fascination. Deviner quel animal est passé par là et ce qu’il a cherché à faire. Moment très contemplatif qui me correspond bien. Cap vers Mierojávri. De là, il faudra simplement suivre la rivière gelée jusqu’à Kautokeino. La « grande ville » et une étape clé du voyage. Impatience. Puis, un tourant à gauche et la route se dévoile, j’y suis ! Aussitôt saluée par un camion à vive allure, choc. 10 m plus loin, un renne est aussi désorienté que moi. Il hésite entre la piste skidoo, la route et rebelote. Les voitures s’arrêtent habituées. Rapidement, je coupe par une ferme pour rejoindre l’eau et le calme. Fou rire en traversant leur jardin avec bus, caravanes, et la pulka ! La rivière est belle, une étendue toute blanche dont on devine seulement les berges par le retour des arbres. Cap au sud-ouest ! Ce sera l’atmosphère pendant des heures. Seulement quelques skidoos sur ce qui est pourtant un axe important. Tant mieux. Mais cela ne me dérange pas du tout, c’est une immersion culturelle. Ici, c’est un moyen de transport en hiver. Le seul pour beaucoup qui vivent isolés. Les conducteurs s’arrêtent parfois pour échanger un mot, ou au moins me saluent. Le paysage défile, assez monotone mais qui invite à la rêverie. La glisse est rapide sur ces bonnes traces. Cela fait du bien de voir la distance augmenter. La moitié du temps est faite ! Un gros morceau dont je suis fière. Cela se passe bien, je suis contente d’être là. Aussi très fière des décisions prises depuis le départ. C’est un apprentissage important. Sur ce, le soleil se couche et j’aperçois du brouillard qui se forme. Quoi faire ? Monter le camp en espérant qu’il se s’étende pas plus, ou continuer car je suis encore bien ? Je tente l’option tente. L’humidité est vraiment un ennemi. Moins de 5 minutes plus tard, à peine le temps de monter 2 ancres à neige que le brouillard m’envahit, raté ! Je peste. Inutile d’avoir écourté la journée de ski. Les grognements sont inutiles, je sais bien que quand on joue il faut accepter de perdre. Et je me console car la vue devrait être magnifique au matin.

Jours 12 et 13

Camp 11 – Kautokeino – camp 12

Le soleil dissipe peu à peu le brouillard. C’est poétique et apaise mes doutes de la veille. Je vise un village dont je n’arrive pas à prononcer le nom. Pas beaucoup de subtilités d’itinéraire : suivre la rivière. Moral de retour, je réfléchis au sens et aux objectifs de cette expé. Un troupeau de rennes se prélasse au soleil, rencontre magique. Puis, un homme en skidoo passe, son renne à l’arrière qui me regarde. Mythique ! Le fou rire me tient un moment. Arrivée à Kautokeino, super ! Incroyable de passer sous les ponts à ski. La neige et les bouleaux défilent. La lumière évolue, j’aime tant ces teintes tombantes qui n’existent qu’ici. Bonne journée. Je réfléchis à ma frustration d’hier pour la comprendre et travailler dessus. Rester dans un état mental positif est clé. Les quelques maisons apparaissent alors que le soleil se couche. Hallucinant la durée de jour que j’ai déjà gagnée depuis le début !

Camp 12 - camp 13

L’exploration sera le thème des prochains jours. Matinée à travailler l’itinéraire. Malgré cela, les mètres défilent et deviennent km. Je m’éloigne de ma trace GPS et le cap est mauvais.. Que faire ? Enfin, un bruit de skidoo. Deux locaux d’une gentillesse infinie m’aident. Ils proposent même d’aller chercher la bonne piste ! Effectivement sur la mauvaise direction. Demi-tour et la bonne est retrouvée. Finalement, cette erreur m’a faite les rencontrer, c’est ça l’aventure. Petite trace à travers les collines, ce sont les éleveurs de rennes qui les utilisent pour aller voir leurs troupeaux. Effectivement, un troupeau est là à se régaler. La neige est creusée sur 50 cm à 1 m pour atteindre la nourriture. Ce détour est plein de richesses. Alors que j’allais quitter la piste pour la nuit, 2 skidoos arrivent à contre-sens. Je les arrête, c’est incroyable d’échanger avec les locaux. Cette fois-là ne déroge pas ! Ils confirment l’itinéraire, ouf un soulagement. Sur ce, ils prennent une photo de moi, tellement ils me trouvent incongrue ! Et un regarde sa météo en 4G au milieu de rien. Incroyable. Une leçon de vie, le meilleur chemin n’est pas forcément le plus direct ni le plus rapide. A ne pas oublier.

Jours 14 et 15

Camps 13 - 14

Bercée toute la nuit par la neige qui tombe. Bruit feutré sur la tente. 20 cm de poudreuse au réveil. Beau, mais ça s’annonce compliqué à tracer. Un skidoo aura l’excellente idée de passer de bon matin, merci ! Jour blanc. Au lac, retrouvailles avec ma rivière préférée, qui coule depuis Guo. Pas directement, elle aime serpenter évidemment, mais il y a une trace, en avant. Temps pas terrible : neige et vent. Mais tellement de chance depuis le début, comment se plaindre ? De plus en plus dur d’avancer, trop de neige fraîche. Je serre les dents. Volonté d’atteindre Guo, je voulais déjà y être hier ! Mais les espoirs diminuent. Et s’évaporent totalement quand la piste s’arrête en face d’une maison. Vide, la personne a fait un aller-retour. Horreur. Retour à la rivière. La suivre jusqu’à Guo ? Les trous dans la glace m’en dissuadent. Avec cette visibilité c’est stupide. Je vais m’épuiser dans le meilleur des cas, ou pire passer à travers. Je ronge mon frein et trouve un camp. Encore une journée sans presque avancer ! Est-ce que j’aurais dû me reposer ? Cela devient dur mentalement. Une journée comme celle-ci ne m’aurait pas mise dans un tel état il y a quelques jours. Rester calme, accepter. Il est tôt mais je m’arrête. Se reposer et profiter du meilleur temps demain. Encore un camp dans 50 cm de neige. Epuisée d’en avoir jusqu’aux genoux, voire hanches chaque soir ! Et cette tente, je n’en peux plus. Fatigue. Pensées négatives. Je relis les messages d’encouragement pour m’aider.

Camps 14 - 15

Si chaud pendant la nuit ! Il a vraiment fait -10/15 ? Contente de comment je m’habitue. Chasser les démons d’hier et repartir positivement. But : atteindre cette frontière. Alors que je lis tranquillement dans mon duvet, un bruit lointain de skidoo. Quelle surprise, son conducteur vient à ma tente ! D’une gentillesse infinie, il m’indique un meilleur itinéraire pour rejoindre la frontière. Sur ces faits, il m’invite à déjeuner chez lui. Il a fait un ragout de renne. Je n’en reviens pas. L’intérieur de la maison contraste avec l’isolement. Même une télé ! Mais sans eau courante, c’est dinette en carton. Attablée face à un morceau de renne qui sent divinement bon. Pas seulement parce que je mange du Lyoph depuis 15 jours, c’est succulent ! L’échange oscille entre la vie dans la région avec l’élevage de rennes, et mon expé. Passionnant ! Remerciements avec un morceau de fromage du Val d’Arly, il est comblé par rapport au Ost norvégien, tu m’étonnes ! Un aurevoir et c’est parti.

Les prochains km vont être durs mais demain la piste finlandaise m’attend. Euphorie. Jamais cette situation n’aurait eu lieu sans mon erreur d’itinéraire. Leçon de vie. Meilleur moment du voyage. Parce que c’est inattendu, riche, un échange, une rencontre d’une humanité rare. Cet instant confirme que c’est une part importante de ma manière d’explorer, soufflée par l’intensité. Beaucoup de réflexions s’en suivent. Tellement plus puissant que d’enchainer des km. Aussi, tout a eu lieu en suédois/norvégien. Sans mes efforts pour apprendre cette langue, l’histoire se serait arrêtée à la visite dans la tente. Tout le travail pour arriver à ce niveau prend sens. A la boussole je trace à travers les bouleaux plus ou moins clairsemés. Je m’enfonce de 10 à 20 cm à chaque pas et la pulka est dure à tirer. Mais moral au beau fixe ! Des immensités blanches à perte de vue et le soleil tape. A garder précieusement : le moral peut tourner vite. Ne pas rentrer dans une spirale négative mais rester ouverte à chaque détail positif.

Après une descente où c’est tout aussi dur d’avancer, j’arrive au lac. Génial, il ne reste que quelques km ! Traversée comique. Sentiment de monter tout le long. Mais non Marion, c’est un lac et c’est plat… Sur l’autre rive, l’aventure se gâte sérieusement. Arbres plus denses, je m’enfonce jusqu’à 50 cm par endroits. Rester concentrée et ne pas se laisser gagner par le désespoir. Ce n’est plus si loin. Aller ! Je me le répète en boucle. Je vais y arriver. La lumière décline c’est sublime et cela réchauffe le moral qui a pris un sacré coup. Le froid commence à me transpercer. Mais aller, j’ai dit que je campais en Finlande ce soir et je le ferai ! M’arrêter avant serait un énorme coup dur mental. Le soleil se couche mais je vois au GPS que je m’approche. 800-650-300 m. Bientôt ! La clôture pour les rennes apparait dans le crépuscule, victoire ! Elle coïncide avec la frontière. Mais où est la porte ? La clôture est plus basse à la rivière. Parfait ! Je jubile, demain je pourrai passer. Incroyable, je suis en larmes. Mais rester concentrée, monter le camp vite avant d’être frigorifiée. Installation à quelques mètres de la frontière sous des lumières mystiques. La vie est si belle avec des moments d’une telle force. Dîner de fête : lyoph de pâtes au saumon et Gifflar. Pour couronner le tout, les aurores arrivent rapidement. Moment hors du temps. D’une force décuplée par les efforts de la journée. Est-ce que j’en aurais autant profité sans la lutte pour tracer ? La difficulté est-elle une condition pour vivre des sentiments si forts ?

Jour 16

Camp 15 - frontière - camp 16

Pleine d’envie. 4 km à tracer puis c’est la piste. Franchissement clandestin de la frontière. Fou rire en jetant les sacs un à un de l’autre côté, puis la pulka. Pas de ma faute si les douaniers ne sont pas là ! Rapidement, il devient clair que ça va être dur, très dur. Chaque pas est une lutte, je ne vois pas les skis dans la poudreuse. Le moral flanche, je me dis que je suis en enfer. Puis, je regarde le paysage et je suis énervée contre moi-même. Non ! C’est sublime, il fait beau, c’est vide, calme et je suis seule dans la nature. C’est ce que j’aime. Oui c’est dur, j’ai mal partout et toujours cette impression de monter sur le plat. Mais aller, je me rapproche doucement. Jamais été « aussi près » comme on dit. Occasion de travailler le mental avec la méthode de Rosalie. Je me détache, merci à elle ! Aller, je ne dois plus être si loin ! Soudain, une ligne dans la neige. Piste ou mirage ? Cela se précise, je vois les poteaux. Victoire ! Joie immense. Je m’arrache sur les derniers mètres . Je suis à bout, vidée. Arrivée au poteau avec sa croix rouge, je lui fais un câlin en pleurant. Quel soulagement ! L’importance de l’épuisement mental, j’ai déjà tracé dans la poudre de nombreuses fois et avec une météo bien pire. Pause déjeuner bien méritée. Maintenant je suis sur l’autoroute, sentiment de voler quand je repars ! Doucement au début, je ne pense à rien. Je suis sur pilote automatique et je recharge mentalement. Les bouleaux défilent. Heureusement que c’est mon arbre préféré car ça en deviendrait lassant. Camp au coucher du soleil. La quantité de poudreuse est impressionnante ! Même dans un espace ouvert je m’enfonce de 50 cm. Je n’ose pas imaginer dans la forêt, vertige. Repos bien mérité. Des rêves/cauchemars de plus en plus bizarres, l’isolement crée des connections étranges.

Jour 17

Camp 16 - camp 17

Lourd sommeil après les émotions d’hier. Besoin de m’apaiser, je prends le temps ce matin. L’aurore pointe le bout de son nez quand j’ouvre la tente, couleurs sublimes. Le soleil se lève pile sur l’arceau, magique. Je savoure ce moment. Froid poignant. Quelle intensité. Aujourd’hui je vais rejoindre les montagnes. Joie, hâte. Profonde motivation à aller voir, découvrir ces paysages et m’y immerger. Le livre de J-L Etienne « Explorateurs d’Océans » est simplement un bijou. Une ode à l’exploration, qui nourrit les rêves et inspire inlassablement. Cette lecture déclenche un besoin viscéral d’écrire. Vite, coucher sur le papier toutes ces pensées. Il se passe des choses importantes mentalement sur cette expédition. L’impact sera certain sur la suite. La solitude et la confrontation à ces émotions si fortes, en positif et négatif, crée un espace privilégié. Après 2h d’écriture, un sentiment de plénitude m’envahit. Tout ce temps le soleil a continué sa course. Il tape, si bon. J’aime profondément ces moments sous la tente.

Prochain arrêt : les montagnes ! Le paysage défile. La glisse est bonne et je suis poussée par cette envie de découverte. Toujours autant d’empreintes. Peu à peu, la piste s’élève et les bouleaux se clairsement. Au détour d’un raidillon, le choc, elles sont là ! Le vent rejoint la fête. Encore quelques bouleaux et ça y est. Le blanc. J’y suis ! Emotion. Une vague me prend. Mon amour pour ces paysages et si fort. L’énergie que j’en tire force à la réflexion. Impression d’être sur la lune. Je chante « fly me to the moon » de Sinatra en boucle pendant un temps infini. En riant seule, j’adore. Je skie sans cesser de regarder à 360° autour de moi. Des ondulations de terrain apporteront un léger abri pour la nuit. Orientation de la tente, la lune presque pleine illumine mon dîner. Ambiance grandiose et grand froid. Quelle journée riche ! A chérir.

Jour 18

Camps 17 - 18

Pliage dans le vent et la neige, l’entrainement continue. Pleine d’envie pour le voyage à travers ces étendues. Comment vont être ces immensités ? Le refrain reprend « fly me to the moon ». Fou rire. Ambiance folle. Des cristaux de neige flottent avec le soleil qui perce. Hors du temps. Je m’arrête pour savourer. Et ces étendues ! Je suis au paradis. Faire l’écureuil et emmagasiner chaque instant. La vallée de Raittisjärvi se dévoile. Infini, entre lacs et forêts avec les montagnes au loin. Le tracé rejoint la clôture à rennes. Toujours si impressionnée par l’effort mis pour ces ouvrages, si loin de tout. Lumières magnifiques, nuances de bleu, blanc et gris. Je ne cesse de m’arrêter. Quel bonheur d’être ici ! Pause déjeuner avec les derniers rayons de soleil. Je meurs de faim ! Je suis maintenant un glouton. Le voyage continue dans les immensités blanches. Surprise de ne pas beaucoup penser. Une forme de transe s’est emparée de moi. Je skie et savoure, apaisée. Avec moins de pensées parasites.

Le soleil décline et les lumières changent, froid poignant. Tout est soufflé, au moins je ne vais pas m’enfoncer d’un mètre ce soir ! J’opte pour le camp vue 360°. Lumières du soleil couchant à l’ouest. Lune à l’est. Et ces montagnes blanches. Sublime. Vite, monter la tente, ce froid ne va rien pardonner. Sauf que là, impossible d’ouvrir les fixations. Horreur ! Un essai, deux essais. Rien. Surtout ne pas forcer et risquer de les casser. Froid, action. Je laisse les chaussures sur les skis, mets mes chaussons. Routine, tout dans la tente, habits secs. Dans le duvet. Respire. Chaleur. Réflexion : il vaut mieux des chaussures attachées aux skis que ne s’y attachant plus. Dîner pleine lune. La nuit apporte le vent. Surprise les aurores illuminent le ciel ! Je n’en reviens pas, le ciel danse littéralement. Emotion, c’est fort. Je pleure de joie. Moment irréel. Seule au milieu de ces étendues, une expérience à chérir. Le point d’orgue de ce voyage ? Le signe que la fin approche et l’expérience complète ? Sentiment de plénitude.

Réflexions interrompues par le froid saisissant. Commence une danse de sioux autour de la tente. Hilarant. Et efficace. Du rouge apparait au milieu des drapés verts. Dinguerie. Estomaquée. Profiter de cet instant précieux. Les aurores se calment peu à peu, mais pas le vent. Temps de regagner la tente. Emmitouflée, le sommeil tarde avec toutes ces émotions et la tente qui bouge de toutes parts. Le vent sera un compagnon quotidien pour mes prochains projets. Exercice parfait ce soir. Les rafales s’intensifient. Les participants ne sont vraiment pas d’accord avec le 6 m/s de la police !

Jour 19

Camp 18 - camp 19

Sommeil entrecoupé mais sommeil. Le soleil n’a pas encore paru au-dessus de l’horizon quand j’ouvre la tente. Moment suspendu où tout est encore possible. Départ matinal. L’appel des paysages, ou de la fin ? Probablement un mélange. Premiers km froids dans le vent qui rugit. A l’aise, l’habitude de ce genre de situation. Les plus hauts sommets se rapprochent, excitation. Toujours dans cet état de transe, détachée. Agréable de seulement skier et contempler le paysage. Plénitude. Panorama à couper le souffle. Le refuge apparait, un point sur le blanc. Qui grossit. Se rapproche. Pause en y arrivant. Quelques instants plus tard, 2 finnois sortent pour faire la popote. L’échange débute. Très comique de monter sur la terrasse à skis. Déjeuner au coin du poêle qui ronfle à plein régime. Mini sauna ! La cabane est dingue, toute en rondins de bois. Les skis installés au chaud pour dégeler, il est temps de déguster mon saucisson aux noisettes. Le tout dans la bonne ambiance. Une belle rencontre comme souvent dans ces espaces. Eux ont même skié sous les aurores hier, j’adore. Toujours plus ! Conversation très enrichissante. Je repenserai beaucoup à leur philosophie.

Au départ de la cabane le vent s’est calmé. Ambiance mystique. Nuances de blanc, gris, et bleu. Heureuse. D’être simplement là, de la beauté des paysages, que tout se passe bien, de ces rencontres… Subitement, la fatigue m’envahit. Ou est-ce une certaine lassitude ? Ma progression devient plus ardue, je dois mettre de la volonté à chaque pas. Il reste moins de 10 km. Je peux y être ce soir. Et c’est vertigineux. Je vais « réussir ». Peu importe la signification du mot. Car quel était l’objectif ? Passer 20 jours seule à skier, en autonomie. En sécurité et dans le plaisir. D’apprendre en vue des prochains projets. Ce que je suis en train de faire. Dur de réaliser la portée. Ce faux-plat n’en finit pas ! Saana se dévoile enfin. Neige excellente, immense plaisir de skier. Les ondulations du terrain s’enchainent. Impatience. Puis, soudain le lac est là, au loin. Oui c’est la bonne ! Grande émotion, je suis en train d’arriver. Qu’est-ce qui pourrait encore m’arrêter ? A ce stade j’irai probablement en rampant. L’envie de terminer, de me mettre au chaud, en sécurité et de ne plus être sur le qui-vive est bien présente. Mais aussi envie de savourer l’instant. En alpinisme c’est souvent dans les derniers mètres avant le sommet que l’émotion est la plus forte. Quand on réalise que le rêve, l’objectif, est à portée de pas. Pour moi c’est pareil en expédition. Ce que je ressens ces derniers jours.

Le soleil décline, voilé. Il règne une atmosphère mystérieuse. Qui correspond bien à mon état d’esprit. La descente s’amorce. Une dernière nuit dans la nature me dit bien. Pas encore prête pour le retour à la civilisation, au monde, au bruit et à l’agitation. Au lac surplombant le village, je devine un bosquet. Vue superbe, camp parfait. Quelques minutes plus tard, je suis au chaud. Installée pour un coucher de soleil splendide sur Saana. La vie est belle ! Un bon Turmat de célébration. Dernier camp, en profiter. Les lumières du crépuscule ont laissé place à de la neige. Demain c’est l’arrivée. La fin du voyage. Vertige. Tellement de choses depuis le départ d’Alta.

Jour 20

Camp 19 – Kilpisjärvi

Premières lueurs, Saana s’éclaire doucement. Moment furtif. Envie immense de vivre cette journée. Rapidement, le réchaud ronronne et la neige fond progressivement. Petit-déj routine : porridge chocolat et café. Sauf que ce matin c’est double portion. Fête ! Je profite des lumières changeantes. Imprimer cette joie de la vie sous tente. Elle sera le fil conducteur pour tous les prochains mois et la préparation des prochains projets. Hop hop, tout est remballé dans la pulka. Descente par les pistes de ski de fond. Je savoure. Curieusement je ne pense toujours pas beaucoup sur les skis. Seulement occupée à contempler le paysage qui évolue entre les bouleaux.

Au détour d’un virage apparaissent les maisons. J’y suis ! La piste finit sur le parking, pittoresque. J’imagine que c’est ici l’arrivée ? Pas très symbolique mais je suis dans le brouillard. Moment choisi par ma maman pour m’appeler. Quelle joie féroce de lui parler et de partager cet instant ! Cette expérience de solitude a été puissante, si enrichissante. Comme introvertie je recherche le calme et la solitude au quotidien, c’était bien plus extrême. Savoir que j’arrive à partir en fou rire seule au jour 18 est précieux. Mais il est temps de sociabiliser. Et partager tout ce que je viens de vivre. Surtout, qu’ont fait mes proches pendant 2 semaines ? Les nouvelles étaient souvent à sens unique. Ce qui ne me plait jamais. Prochaine étape : les courses. Etrange, ils n’ont pas de places de parking pour skis et pulka devant le supermarché ? Eblouie dans ces rayons éclairés par des néons. Maintenant direction le camping, 4 km à skier sur le lac. Les lumières sont changeantes et les montagnes veillent sur les rives. Je prends mon temps. Cette fois-ci c’est la fin. Neige géniale à skier : poudreuse un peu soufflée.

Complètement ahurie d’être arrivée. Aucune idée de par où commencer, quoi faire. Décharger la pulka. Mettre à sécher. Manger car la faim est prenante ces derniers jours. Place à la douche. Enormément envie, mais ce n’est pas ce qui m’a le plus dérangée. J’étais prête mentalement. Rapidement enchaînée avec le sauna. Joie cette chaleur ! Car c’était peut-être la part réellement difficile, ce froid constant. Aprem dans le brouillard, entre messages, fatigue, choc social, retour à l’intérieur… Ma seule envie est d’être à la maison, dans mon pyjama polaire. Et boire un café au soleil. Dîner simplement délicieux, steak d’élan puis crumble citron rhubarbe. Un régal. Qui clôt parfaitement l’expédition. Place au repos.

Partenaires

Un grand merci à Snell Sports et Lillsport pour leur soutien pour cette expédition !

Suivi en direct

Un suivi sur cette carte avec des points quotidiens. Merci ZeroSixZero !