Hardangervidda
2024
10 jours seule à travers le plus haut plateau d'Europe
Inspiration
J’aspirais cette année à de vastes étendues et du blanc à perte de vue. Ce sera le Hardangervidda, un endroit mythique dont les histoires enchantent les passionnés d'expéditions polaires. Ce haut plateau norvégien était un rêve de longue date. Récit jour par jour de ce raid à skis en solitaire et autonomie de 10 jours avec la pulka et la tente. Du 23 mars au 1er avril 2024.
Jour 1
Ustaoset – Tuva
La Norvège, un pays où le train est en retard parce qu'il y a trop de pulkas à charger. Quel bonheur de voir tant de gens habités par la même flamme ! Puis le train redémarre, ce sont les derniers ajustements, les skis à chausser et les messages sur l'Inreach pour annoncer le début.
L'appréhension et le stress laissent place rapidement à l'apaisement et le sentiment d'être à la bonne place, à skier dans cette étendue blanche. Belle ambiance de début dans le blizzard. La tempête avant la tempête. Vertiges dès que le regard quitte les branches balisant le chemin. Premier camp dans le blanc total.
Jour 2
Tuva – Heinseter - Rauhelleren
Réveil magique dans cette immensité blanche qui s'est dévoilée, grande émotion. Ambiance mystique de paysages qui évoluent au gré des couleurs et des heures. Ce sentiment de glisse paisible me correspond si bien, cela laisse tant de temps pour contempler la nature. Très beau campement avec les lumières descendantes sur les sommets voisins. Plaisir de vivre sous la tente. Les premiers jours sont aussi synonymes de petits luxes pour les repas, avant que le poids réduise à l'essentiel.
Jour 3
Rauhelleren - Lågaros
De nouveau un jour bien blanc, ça sera malheureusement la norme ce White Out épuisant. Mais belle surprise avec un après-midi magnifique ! Traversée d’étendues immenses qui défilent avec le bruissement des skis. Rencontres avec des attelages de chiens. Beau voyage paisible sur la neige fraîche qui se termine dans un campement grandiose. Bonheur cette aventure !
Jours 4-6
Lågaros - Sandhaug
Blizzard, premier jour difficile. Le vent qui se lève depuis le campement ne fera que se renforcer, doublé de neige. Une très longue journée avec seulement un traîneau croisé. Du blanc et du blanc avec seulement les branches en vision, mais une neige de velours. Plaisir de skier. Camp dans la tempête, bon test. Premiers doutes sur le dicton scandinave "Il n'y a pas de mauvais temps mais que des mauvais vêtements."
Sandhaug - Litlos
Surprise, un jour de White Out. Du blanc, du vent, et de la neige. L'espoir d'avoir des traces quand de rares personnes sont croisées, qui s'évanouit en 5 minutes car elles se recouvrent déjà sous les rafales. Toujours beaucoup de plaisir d'être là à skier. Réflexion du jour : si tu veux de la neige, elle doit bien tomber.
Litlos - Hadlaskard
4e jour de White Out. Des paysages magnifiques et si sauvages. Mental à rude épreuve avec des sabots démentiels dans une neige collante. Timides éclaircies dans une partie montagneuse surprenante après des jours d'immensités. Tempête qui s'intensifie et qui signe la première nuit en cabane. Très belles rencontres inspirantes. Défense des provisions contre une souris coriace.
Jour 7
Hadlaskard - Sandhaug
Panorama sublime après la tempête. Quel bonheur d'être juste là. Plaisir simple de la vie : partir le matin avec des chaussures sèches grâce au poêle, grand luxe ! Retour progressif sur le plateau et ses paysages infinis. Toujours si incroyable d'être sur les skis toute la journée. Quand on t'apprend qu'ils ont des douches au prochain refuge, impossible de résister. Retrouvailles avec des compagnons de route et nouvelles belles rencontres.
Jour 8
Sandhaug - Stigstuv
Cet endroit où tu rencontres des gens qui reviennent du Groenland et qui partent en Antarctique, quelle inspiration ! Le jour du bâton cassé, ou quand des norvégiens t'aident à réparer un bâton avec une sardine de tente sous la neige, incroyable de gentillesse. Prouesse, il tiendra jusqu'à la fin. Ou le jour où tu croises des gens sur leur canapé d'expédition pour le déjeuner, toi qui était déjà fière de ta peau de renne. Glisse de folie dans de belles immensités, la pulka s'allège clairement. Camp magnifique et tôt pour profiter de la vie sous la tente, surtout la dégustation de plats lyophilisés ! Faire fondre la neige ça occupe plutôt bien.
Jour 9
Stigstuv - Kraekkja
Quand le vent tourne pendant la nuit, comme un igloo au matin. Ça tombe bien je voulais apprendre à en construire. Publicité mensongère qui parlait (enfin) d'un jour de beau temps, tant pis le rêve d'une vie sans Gore-Tex prend de l'ampleur ! Plusieurs heures de White Out histoire de ne pas perdre les bonnes habitudes. L'envie de Snow Kite qui grandit encore dans ces conditions, ils se régalent ! Ou quand un canapé de neige apparaît dans le blanc, grand merci aux bâtisseurs. Crux de l'expé avec le passage de la route, en immense décalage de civilisation. Sublime camp pour cette dernière nuit, avec un panorama incroyable sur Kraekkja !
Jour 10
Kraekkja - Finse
Grand bleu froid, c'est un autre monde si beau. Réveil magique dans ce panorama. Savourer ces derniers moments dans la tente en lisant au soleil avec ce bon café lyophilisé, le bonheur ! Quelle bonne idée ce livre en suédois, c'est bien plus léger vu le nombre de pages que je lis. La vie en bleu et blanc pendant ces heures de voyage sur la neige jusque Finse. Pour une fois ce n'était pas que moi le bleu. Le rêve de vie sans Gore-Tex réalisé, la dinguerie ! Autant de monde croisé que sur le reste de la semaine, quel contraste. Puis, soudain, Finse se dévoile à un col, l'émotion de cette aventure qui s'achève et de la rencontre avec ce temple de l'aventure polaire.
Un voyage incroyable, complètement dingue cette aventure dans le blanc. Un endroit magnifique, sauvage et vide qui prend une place précieuse dans ma vie.
Pour les chiffres : 10 jours de ski seule, 188 km, 7 nuits en tente, un jour de beau, 2 demi-journées avec des éclaircies, et le reste de blanc, beaucoup de vent et neigé 9 j/10, le rêve !
Epilogue
Hardangerjøkulen
Un jour de beau temps ?! Vite, vite en haut du glacier local !
De la neige à perte de vue, sublime cette calotte glaciaire.
Voir sa vie qui défile en descente (même sans la pulka) : vive le ski nordique ! Peut-être pour ça qu'il y a des skis de rando alpin ? Le mystère est entier...