Kungsleden
2022
14 jours seule sur les terres Sami
Inspiration
Après plusieurs mois dédiés aux longues sorties en ski de fond pour la Vasaloppet, l'envie de faire du ski de rando était très forte. J'ai donc organisé une expédition hybride. Une base en itinérance en skis nordiques avec la tente et la pulka. Avec l'idée de faire des camps de base pour du ski de rando. Pour le tracé, ce sera presque sans hésitation le Kungsleden. Je m'étais promise d'y revenir l'hiver en 2014, il était temps ! Départ pour 14 jours seule entre Abisko et Nikkaluokta. Du 13 au 26 mars 2022.
Jour 1
Abisko - camp 1
Abisko, que de souvenirs forts ici. Je me rappelle cette arrivée par le train de nuit assise. Épuisée et angoissée de cette première randonnée seule. Puis la rencontre avec ces paysages qui m'aimantent depuis. Cette fois, je suis bien plus préparée et c'est plus sûre de moi que je charge la pulka à la sortie du train. Une visite à la Fjällstation pour le souvenir et c'est parti ! Les premiers kilomètres sont dans la forêt de bouleaux bercée par le bruit de la rivière. Encore une fois la pulka est si lourde avec tout l'équipement. Mais l'étape sera courte aujourd'hui et je prévois un premier arrêt de plusieurs jours. J'installe le camp avec vue sur les sommets prévus pour le ski de rando. Dès cette première nuit, le ciel s'illuminera d'aurores boréales. Elles dansent en draperie. Je chausse les skis et me balade autour de la tente pour me réchauffer, c'est un moment fort.
Jour 2
Giron
Aujourd'hui je troque la pulka et les skis nordiques pour l'ascension du Giron. Magique de partir depuis la tente. La première partie est une navigation à travers la forêt de bouleaux. Il a plu les derniers jours, j'évolue donc sur du verglas. Ce sera donc du grand ski. Mais peu importe, l'atmosphère est dingue, je suis seule dans cette étendue blanche. Je croise quelques rennes sous le sommet, ils cherchent leur nourriture à travers ce sol gelé. Ces épisodes de verglas sont une catastrophe pour eux, cela les prive de lichen qu'ils ne peuvent atteindre. La vue est sublime, tout le massif de Kebnekaise se dévoile au sud, et le lac gelé au nord. Retour à la tente après du patinage sur cette glace, pour déguster un bon plat lyophilisé, festin !
Jour 3
Camp 1 - Abiskojaure – camp 2
Hésitation au réveil, est-ce que je pars pour une 2e ascension ou avance vers le sud ? La météo est bonne mais une tempête s'annonce dans les prochains jours. Après un long moment à lire dans le duvet, j'opte pour le sud. La route est encore longue et le verglas de la veille ne donne pas envie de remonter. Ce sera donc une petite étape le long de la rivière. Tant mieux, je suis vraiment chargée. J'installe le camp après Abiskojaure.
Jour 4
Abiskojaure – Alesjaure
La journée commence par la plus grosse montée du voyage. Il faut en effet passer sur le plateau. Les longues peaux de phoque sont de sorties et pas à pas je m'élève. Puis les arbres se raréfient et des étendues immenses et blanches se dévoilent. Je suis émue. Il est possible de voir au loin les sommets norvégiens. En avançant, je croise des clôtures pour l'élevage des rennes, ainsi que des lieux de rassemblements. C'est un lieu important en été pour les Sami, en témoigne le village au bord du lac. Les derniers kilomètres se déroulent sur le lac gelé, c'est beau d'être au milieu des ces montagnes. Le refuge s'approche et je décide de rester à l'intérieur. Du vent fort est annoncé et ma tente ne résisterait probablement pas. Je me rappelle surtout de mon premier passage que le sauna a une vue à couper le souffle (dernière photo). Et après 3 jours dehors, j'en meurs d'envie !
Jour 5
Alesjaure – Sälka
Le temps a bien changé pendant la nuit. Les prémices de la tempête sont là. Tout est blanc avec quelques reliefs qui se dévoilent, il y a une ambiance mystique. Les croix indiquant le chemin tranchent rompent le monochrome. Je skie vite, je suis en forme et une envie de découvrir ses paysages m'habite. De belles rencontres à la pause déjeuner au refuge de Tjäktja. Puis je repars pour doubler l'étape du jour. La motivation est double : profiter du petit créneau météo et surtout de s'installer dans le refuge avec sauna pour la tempête. Beaucoup de vent jusqu'au col, dans cette montée chargée de souvenirs. En 2014 j'avais de la neige au genoux en juin ! Puis la descente dans l'autre versant signe le retour du calme. Il y a le silence total, seulement rompu par le glissement des skis. Je fais donc plusieurs pause pour profiter de cet instant suspendu. Arrivée tardive à Sälka, où il y a déjà beaucoup de monde, quel contraste ! Quelle chance, le gardien me propose une petite chambre seule, grand luxe ! La soirée sera remplie de rencontres très enrichissantes, qui ont nourri mon envie de me former comme guide polaire.
Jours 6 et 7
Sälka
La tempête est là. Les rafales soufflent à plus de 100 km/h, la visibilité est réduite à la croix suivante. Comme prévu, je vais rester pour deux jours d'aide au refuge. Il faut déneiger les accès aux cabanes, couper du bois, porter de l'eau... L'ambiance est excellente et ce partage est une partie du voyage que j'aime énormément ! Nos efforts seront récompensés par un bon sauna au feu de bois, à se rafraichir dans le vent, la vie est belle. Petite sortie à skis pendant une accalmie, c'est beau.
Jour 8
Sälka - Kebnekaise Fjällstation
Retour du ciel bleu. C'est sublime, tout est blanc et bleu, je suis époustouflée ! L'étape sera double encore aujourd'hui, avec la station de montagne de Kebnekaise en destination. La large vallée de Sälka laissera place à des montagnes plus abruptes à l'approche du massif. Le vent souffle déjà fort en montant le col, puis la descente se fera poussée comme en kite. Si c'est très drôle sur le plat, cela devient terrifiant en descente avec le manque de neige et les rochers apparents. J'arrive soulagée à Kebenkaise. La tempête est annoncée pour plusieurs jours, je m'installe donc confortablement. La visite du sauna s'impose évidemment.
Jours 9-11
Kebnekaise Fjällstation - Jökelbäcken – Kebnetjåkka
Le vent souffle fort avec des rafales à plus de 125 km/h. Tout le refuge craque avec le bois qui vit. L'épisode durera plusieurs jours. Il va même pleuvoir, c'est tellement surprenant pour la région ! Le grand nord est vraiment touché de plein fouet par le changement climatique... La première tentative de sortie tourne vite court, je n'arrive pas à garder les bâtons verticaux sous les rafales. Quelques accalmies me permettent de suivre les conseils précieux des guides locaux, merci à eux ! Le couloir de Jökelbäcken est une pépite bien protégée et il y a un champ de poudreuse malgré la tempête, le rêve. Malheureusement, dès que j'en sors au-dessus vers Kebnetjåkka, tout est soufflé et il ne reste pratiquement plus de neige.
Jour 12
Kebnekaise Fjällstation - Södra Nischen - Storglaciären - Tarfalastugan - SÖ Kaskatjåkkaglaciären
Le beau temps revenu, c'est l'heure du plan diabolique ! Cette journée restera comme une de mes plus belles à skis. La balade commence par la remontée du couloir de Jökelbäcken, où je retrouve un groupe qui part faire l'ascension de Kebnekaise. Je bifurque vers le col de Södra Nischen. Le panorama est sublime, je longe Kebnekaise, avec la vue sur le massif. Puis, au col le bassin du Storglaciären se dévoile. Le glacier porte bien son nom, il est immense. Tout est immaculé après les chutes de neige. Je prends bien mon temps pour analyser les conditions avant de m'engager seule sur le glacier. Je choisis notamment une ligne sans cassure de pente pour minimiser le risque de crevasse. Les conditions sont excellentes et il y a des mètres de neige cette saison. C'est un régal, et quel sentiment, seule dans cette immensité ! Le voyage continue avec la remontée vers le refuge de Tarfala. C'est une vallée à caractère alpin, très surprenant pour la Suède. Le refuge est un bijou. Je m'y arrête seulement pour faire connaissance avec le gardien et déposer mes affaires pour la nuit. J'ai encore envie de skier et il me conseille une belle pente. La neige y sera si bonne que je remonterai une deuxième fois ! Mais l'heure tourne et il est temps d'aller profiter du sauna avec vue panoramique. Je serai seule au refuge ce soir donc c'est un moment hors du temps.
Jours 13 et 14
Tarfalastugan - Kebnekaise Fjällstation - Nikkaluokta
Le temps s'est redégradé pendant la nuit et la journée sera donc consacrée à une redescente facile vers Kebnekaise en suivant la vallée. Là, je récupère la pulka et entame la route vers Nikkaluokta. J'ai envie de camper et trouve un endroit un peu abrité du vent dans la forêt de bouleaux. Il reneige fort pendant la nuit, il faudra donc tout tracer le lendemain. La dernière étape sera donc une petite course contre la montre pour attraper le bus. J'y parviens et il m'amène à Kiruna. Cette ville minière contraste tant avec les paysages déserts. La mine de fer est immense et la ville est même en cours de déménagement du fait de l'effondrement du sous-sol. C'est une part importante de la vie suédoise en Laponie. L'heure du retour a sonné, le train de nuit repart vers le sud. Le voyage n'est donc pas terminé, il faut 24 h pour revenir à Göteborg ! J'aime ces longs trajets en train qui permettent de méditer sur les semaines qui viennent de s'écouler.
Bilan : 14 jours seule, 108 km en itinérance, 4 jours en ski de randonnée alpins, 4 nuits en tente, une tempête, une visite des plus beaux saunas, des aurores boréales. Des rencontres inspirantes qui vont nourrir mes aspirations futures. Des flocons de neige plein les yeux pour cette aventure !

